INTERVIEW


Qu'est-ce qui a changé avec Sonnenfeld cette fois ?

Pas grand chose. Barry est juste un mec vraiment, vraiment trop. Différent de tous ceux que je connais. Il est drôle, mais son sens de l'humour est bizarre. Il ne voit pas le monde comme les autres. Rien que de décider d'avoir un acteur noir pour jouer le rôle de Jamesq West... Quand vous allez voir un film de Barry Sonnenfeld, vous pouvez l'adorer ou le détester, mais vous êtes sûr de voir quelque chose de différent.

D'où vous vient cette énergier ?
J'en ai toujours eu à revendre. Je ne peux pas rester en place. Il faut que je bouge, que je fasse quelque chose. Quand je me retrouve à la maison entre deux films, je vais bidouiller dans mon studio, et un mois après, je me retrouve avec un album... C'est ce qui vient d'arriver. J'ai enregistré dix-huit chansons. Voilà ce que je fais pour me détendre.

y a-t-il encore quelque chose que vous n'ayez pas réussi à faire ?
Voyons...Je n'ai pas encore gagné le championnat de basket. Mes chances s'amenuisent. Mais peut-être que l'équipe de Philadelphie (sa ville natale) voudrait quand même me prendre ?

Et votre projet de devenir président ?
ça, c'est pour plus tard. Quand j'aurai 45-50 ans. Avant, j'ai encore des films à faire et quelques rêves que je voudrais réaliser en musique.

Lesquels ?
Pour moi, Thriller, de Michaël Jackson, représente un tournant dans l'histoire des clips. Je voudrais en faire que les gens puissent regarder dans trentre ans en se disant qu'il a vraiment révolutionné l'histoire des vidéos musicales.

Et une comédie musicale ?
J'y pense, mais je n'ai pas encore trouvé le moyen d'en faire une qui marche de nos jours. Aujourd'hui les enfants sont beaucoup plus en prise avec la réalité qu'il y a quarante ans, quand ils étaient davantage protégés par les parents. De nos jours, à 8 ou 9 ans, ils savent tout de la rudesse du monde. Les comédies musicales leur paraissent ringardes, bidons. Quelqu'un parle, et puis il s'arrête pour se mettre à chanter. ça paraît bizarre. Je cherche une solution pour en faire une qui ait l'air réaliste, actuelle et intéressante.

Dans le film, Kevin Kline et vous apparaissez déguisés en femmes. Laquelle est la plus séduisante ?
Kevin est vraiment un bel homme, mais il fait une femme moche. Très moche. Il n'y aurait pas assez d'alcool à boire dans le monde pour que vous puissiez être séduit par kevin en femme. Moi, je trouve que j'avais de l'allure. Kevin devrait passer six heures au maquillage juste pour paraître supportable. Moi, quarante-cinq minutes.

Vos enfants vous ont-ils vu déguisé ?
Non. Vous savez, c'est le problème des acteurs. Si vos enfants vous voient faire le guignol à l'écran, comment voulez-vous vous faire respecter quand ils font le même genre de chose à la maison ? J'ai déjà été confronté au problème avec men in black, quand Trey [7 ans] voulait garder ses lunettes de soleil pour aller à l'école...

Vous avez toujours l'air de bonne humeur. Vous ne vous mettez jamais en colère ?
ça m'arrive, mais dans ces cas-là, je deviens très calme. Je m'assieds et j'essaie de réfléchir à ce que je pourrais faire pour ne plus être en colère. J'ai vu beaucoup de gens faire des choses stupides sous l'emprise de la colère. Quand j'ai envie de mettre ma main dans la figure de quelqu'un, je me contrôle et j'essaie de trouver une solution.

Qu'est-ce qui vous met en colère ?
Principalement la bêtise. Les gens font et disent des choses incroyables. L'autre jour, j'écoutais une femme à la radio qui se lamentait sur les émigrés mexicains qui profitent de l'argent des contribuables californiens. J'ai appelé sous un speudonyme pour dire à l'antenne que quand des Mexicains viennet à Los Angeles, ils ne font que rentrer chez eux. Ce n'est pas parce que le frontière a été déplacée par une guerre qu'ils ne sont plus chez eux en Californie.

Quelle est votre opinion sur la législation des armes ?
C'est simple : il y a moins de meurtres dans les pays où les gens n'ont pas aussi facilement accès aux armes. Si vous n'avez pas d'arme et qu'il faut étrangler votre adversaire à mains nues, c'est déjà beaucoup moins facile. Les armes, lorsqu'elles tombent entre les mains d'adolescents, sont extrêmement dangereuses. Quand les fondateurs des Etats-Unis ont fait entrer le droit de posséder des armes dans le Constitution, il n'y avait pas d'AK47, pas de fusils d'assaut, juste des carabines à un coup. Quand il fallait fabriquer la cartouche et la mettre dans le canon avant de tirer, ça vous laissait le temps de réfléchir. Avec une arme automatiqu, sous l'emprise de la rage, vous pouvez faire bien plus de dégats. Donc je pense que le droit de posséder des armes doit être complétement repensé.

On dit que le public n'aime pas beaucoup que l'on fasse des blagues sur le fait que vous êtes noir. Il y en a pourtant dans le film...
Oui, ça dérange les défenseurs acharnés du "politiquement correct". Barry voulait mettre dans le film des blagues qui ridiculisent la notion même de racisme.

Avez-vous trouvé un modèle de cow-boy noir pour vous inspirer ?
Pas dans les films en tout cas. Dans 98 % des westerns, tous les cow-boys sont blancs. Pourtant, quand on y pense, à l'époque, tous les noirs devaient plus ou moins mener une vie de cow-boys. ça fait du monde.

Barry Sonnenfeld dit que travailler avec vous, c'est comme avoir un coréalisateur ?
Non. Nous formons seulement une bonne équipe. Chacun aime donner son avis et respecte les avis de l'autre. Parfois, Barry débarque dans ma loge et me dit : "Il faut qu'on travaille sur la scène de demain, mais elle n'est pas encore écrite." Alors je lui réponds : "Quand tu auras fini de l'écrire, fais la moi passer."

Réaliser ça vous tente ?
Non. Vous savez, les acteurs peuvent être vraiment chiants. Alors, je ne veux pas m'en mêler. Le réalisateur doit toujours être sur la brèche. Je travaille dur et je crois que je ne supporterais pas de diriger un acteur qui n'a pas la même conscience professionnelle.

Mais vous avez écrit un scénario...
C'est cool, vous écrivez et, après, vous vous débarassez du scénario.

Interview PREMIERE Août 99